« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Sources artistiques dans Les Liaisons

Incendie de l'Opéra au Palais-Royal en 1763   Les sources artistiques sont nombreuses : plastiques, théâtrales et musicales. L’ouvrage peut être considéré comme le point d’aboutissement de la culture d’Ancien Régime.

   * Influence des gravures libertines (Émilie sert de pupitre à Valmont) et des tableaux de Greuze dont le pathétique rappelle certaines poses de Mme de Tourvel. La famille pauvre secourue est également un beau sujet de tableau en cette fin du 18e siècle qui aime s’attendrir sur la bienfaisance. Laclos écrit dans la lettre XXI de Valmont à Mme de Merteuil : « Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure du Patriarche, qu’un moment auparavant l’empreinte farouche du désespoir rendait vraiment hideuse ! J’examinais ce spectacle, lorsqu’un autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et s’avançant vers moi à pas précipités, leu dit : « Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu » ; et dans le même instant, j’ai été entouré de cette famille, prosternée à mes genoux. »

   * Influence des arts du spectacle, notamment du théâtre, très présent dans la vie sociétale du 18e siècle.

   Dans Les Liaisons, il apparaît comme une métaphore de la vie en société dans la lettre CVI de Mme de Merteuil à Valmont : « Je me désintéresse entièrement sur son [Cécile] compte. J’avais eu quelque envie d’ne faire au moins une intrigante subalterne et de la prendre pour jouer les seconds [rôles] sous moi ; mais je vois qu’il n’y a pas d’étoffe. »

   Valmont compare la vie dans le château de sa tante à des scènes de théâtre. Dans la lettre XCIX, il écrit à Mme de Merteuil : « Je puis dire que dans le triste château de ma vieille tante, je n’ai pas éprouvé un moment d’ennui. Au fait, n’y ai-je pas jouissances, privations, espoir, incertitude ? Qu’a-t-on de plus sur un plus grand théâtre ? Des spectateurs ? Hé ! laissez faire, ils ne manqueront pas. S’ils ne me voient pas à l‘ouvrage, je leur montrerai ma besogne faite ; ils n’auront plus qu’à admirer et applaudir. Oui, ils applaudiront. »

   On songe aux drames de Diderot, Sébastien Mercier et Beaumarchais. Les scènes pathétiques sont nombreuses dans Les Liaisons, comme ce pathétique familial de la lettre CV (Mme de Merteuil à Cécile), lorsque Cécile se jette dans les bras de sa mère : « Vous aviez si bien commencé ! Déjà vous vous étiez jetée dans ses bras, vous sanglotiez, elle pleurait aussi ; quelle scène pathétique ! »

   * Présence de l’Opéra

   L’Opéra est le lieu de sociabilité par excellence : on va à l’opéra presque tous les soirs lorsqu’on est à Paris, on s’y rencontre, on bavarde dans les loges. Devant l’opéra, Mme de Tourvel aperçoit Émilie dans le carrosse de Valmont, terrible révélation !

   Comme le théâtre, il est utilisé comme métaphore. Dans la lettre LXXVI, Valmont arrive au château de sa tante : « Je tombai des nues, comme une Divinité d’ Opéra qui vient faire un dénouement. »

   L’organisation même du roman fait songer à l’opéra avec ses duos répartis selon les registres vocaux : Danceny serait le ténor, Valmont le baryton, Mme de Tourvel le grand soprano, Cécile le soprano léger, Mme de Merteuil un soprano plus grave, Mmes de Rosemonde et de Volanges des contraltos. Quant à la scène finale où les survivants chantent la conclusion du drame après la mort de Valmont, elle fait penser à Don Giovanni (1787).

Sources : Les Liaisons dangereuses, Laclos, Le Livre de Poche classique, 1987, Commentaires de Béatrice Didier.

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Date de dernière mise à jour : 09/11/2017