« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Comptes du dauphin (Marie Robaday)

Les comptes du dauphin (Louis XVII) de 1789 à 1792 par Marie Robaday

Les comptes du dauphin

   « Du 5 décembre 1789 au 3 août 1792, fut tenu un Livre des dépenses de tous les mois faites par Mlle Robaday chargée des atours de Monsieur le Dauphin. De modestes dimensions, 17x10,5 cm, ce petit registre illustre la vie quotidienne du fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette pendant les premières de la Révolution. Les enfants royaux disposaient d’une Maison, analogue à celle du roi et de la reine. Louis XVI n’avait pas souhaité constituer de Maison particulière pour son second fils, voulant, d’après le témoignage d’Agathe de Rambaud, que celui-ci fût élevé de manière simple.

   Marie Robaday, dont on sait fort peu de choses en dehors de ce registre et de quelques mentions dans les archives de la Maison des Enfants de France, occupe la place de femme de chambre chargée des atours à partir de décembre 1789.

   Louis-Charles, second fils du couple royal, est né à Versailles le 27 mars 1785 et a été titré duc de Normandie à sa naissance. Son frère aîné, Louis-Joseph, dauphin de France, né à Versailles en 1781, meurt de la tuberculose le 4 juin 1789. La Maison des Enfants de France est alors placée sous la direction de la duchesse de Polignac jusqu’au 16 juillet 1789, date de son départ en émigration. Elle est remplacée par Louise-Élisabeth de Croÿ, marquise de Tourzel, qui occupera la charge de gouvernante des Enfants de France jusqu’en août 1792. En la désignant pour cette mission, Marie-Antoinette lui déclara : « Madame, j’avais confié mes enfants à l’amitié, je les confie maintenant à la vertu. » Mlle Robaday consigne les dépenses : dentelles, chapelles, rubans, mais aussi carafes, bouteilles couvertes d’osier et autres balais. Tous ces objets du quotidien témoignent de la simplicité de la vie de la famille royale au palais des Tuileries où, ramenée de Versailles après les Journées d’octobre 1789, elle est placée sous surveillance. Un bref séjour au palais de Saint-Cloud en 1790 et la célèbre fuite à Varennes en juin 1791 seront les seules occasions d’éloignement pour le monarque et ses proches.

   Marie Robaday n’en fait pas mention. À l’adoption de la Constitution, Louis-Charles n’est plus dauphin de France mais prince royal. On trouve la mention d’achat de cocardes et l’on peut imaginer que l’enfant arbore l’insigne patriotique sur son chapeau de castor, à l’instar de son père. À plusieurs reprises, Marie Robaday indique qu’elle a acquis du ruban rouge pour la croix de Saint-Louis du prince ou bien qu’elle a fait réparer l’attache de la croix.

   Après le 10 août 1792, la famille royale est incarcérée au Temple. Seuls quelques fidèles serviteurs demeurent auprès d’elle, dont Cléry, valet de chambre du Dauphin, qui va servir le roi et son fils emprisonnés. Louis XVI assume seul l’éducation de son héritier jusqu’en janvier 1793. On sait la suite de l’histoire de ce jeune prince infortuné.

   Le livre de comptes s’interrompt en août 1792. Il a sans doute été confisqué par les commissaires révolutionnaires avec les autres documents de la Maison des Enfants de France pour être envoyés aux Archives nationales. Bien qu’elle soit moins diserte que Mme Brunyer, première femme de chambre de Madame Royale, Marie Robaday livre néanmoins un utile témoignage sur le fonctionnement de la Maison des Enfants de France pendant le séjour de la famille royale aux Tuileries. »

_ _ _ Fin de citation

On peut lire une page de ce carnet (Cote Archives nationales, KK 377, fol. 2 v°-3 r°.) ci-dessous. L’orthographe de Marie Robaday est respectée…  

depensse du moÿ de may 1790

pour Monsieur le dauphin

du 8

pour du ruebans de bruge – 4  16

pour des ballets de garderobe – 0 17

du 12

pour une cage – 1 16

pour une bouteile dausier - 0 10

du 14

pour une caraffe - 1 16

pour deux vere - 0 10

pour la comodage d’une boulloire - 0 15

pour deux soriciere - 0 14

du 30

pour deux couvrepier de mouseline - 28

pour du ruebans a passé les manche – 1  4

Sources : Emanuel Rousseau, département de la conservation des Archives nationales, Historia, février 2012, numéro 782.

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