« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Mme du Barry et le prince de Ligne

Le prince de Ligne   * « Je trouvai toute la cour de Louis XV sens dessus dessous parce qu’on avait exilé la comtesse de Grammont pour avoir passé devant Mme du Barry en lui donnant un coup de vertugadin : « Voilà ce que c’est que d’en avoir un et de n’avoir pas de considération ! » - c’est ainsi qu’on nomme une espèce de panier. À propos de cela, la maréchale de Luxembourg, qui y était, me dit qu’il n’y avait que trois vertus en France : vertu choux, vertu bleu et vertugadin (1). »

   * « Je ne sais pas trop pourquoi je ne profitai pas de l’amitié que Mme du Barry a eue pour moi avant d’avoir un peu d’amour. Soit dit sans fatuité, par délicatesse, je refusai de m’adresser à elle pour gagner deux procès considérables. Je lui dis même un jour, à sa toilette, qu’elle me demandait, devant le roi, un mémoire, que je le donnerais à Lacroix (au coiffeur) pour lui en faire des papillotes, puisque je croyais que c’était le seul moyen de lui mettre une affaire dans la tête. Elle en rit, et le roi aussi, qui lui répéta vingt fois de suite, car c'était un mannequin qui avait l'air de marcher et de parler par ressorts [...]. À cause des amis de mes amis, des Choiseul, dont pourtant je ne me souciais pas, je ne me remis à aller chez Mme du Barry que quelques mois avant la mort du roi. »  

   * « Le malheureux Louis XVI apprit que j'avais donné une lettre de Mme du Barry à la reine, pour l'engager à arranger ses affaires, que son étourderie et son désintéressement avaient laissées très mauvaises à la mort du roi, et il me dit : « Voilà une belle ambassade dont vous vous êtes chargé. » Je lui répondis que c'était parce que certainement personne d'autre que moi ne l'aurait osé. En allant à Versailles, je passais souvent par Lucienne (2). Elle a toujours été une excellente personne et, il y a sept ans encore très belle à voir et très bonne à avoir (3). »

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Notes

(1) Les « considérations » étaient des vertugadins en forme de paniers d’acier, qui se reliaient pour les franchissements de passages étroits. La longueur de ces paniers était variable : courts, c’étaient les « considérations » ; descendant jusqu’aux genoux, c’étaient les « jansénistes ».

Louveciennes et le pavillon

(2) Louveciennes. Le roi cède à Jeanne en viager la maison et le domaine de Louveciennes en 1770.  Construction du pavillon par Ledoux. Le 6 mai 1774 : Jeanne est conduite au château de Rueil. Le roi meurt le 10 mai. On la conduit le 12 à l’abbaye de Pont-aux-Dames où elle restera enfermée un an environ. En avril 1775, Jeanne a la permission de quitter l’abbaye à condition de ne pas résider à moins de dix lieues de Versailles. Elle achète le château de Saint-Vrain, près d’Arpajon. En octobre 1776, elle est autorisée à reprendre possession de Louveciennes où elle vivra jusqu’à son arrestation en 1793.  

(3) Expression du temps pour signifier coucher. Mme du Barry eut de nombreux amants du grand (et du petit) monde avant de devenir la favorite de Louis XV. Le prince de Ligne était un homme à femmes.  

Sources : Prince de Ligne, Aphorismes, Pensées et Fragments (Arléa, 2011).

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Date de dernière mise à jour : 27/10/2017