« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Restaurants de santé : nouveau concept

Quelques généralités

Restaurant au 18e siècle   L'avènement des restaurants marque un tournant dans l'histoire de la table. Ils apparaissent dans les années 1760 et sont perçus comme une véritable nouveauté. Les premiers établissements s'adressent à une élite qui recherche bien-être et confort. On y vient à toute heure pour déguster un consommé, un chapon au gros sel, des biscuits, des fruits de saison, du fromage à la crème ou n'importe quoi d'autre.

   Le mot « restaurant » désigne à l'origine une sorte de bouillon de viande conçu pour restaurer vigueur et santé.

   Ainsi, en réactualisant une ancienne recette tout en suivant la vogue de la « nouvelle cuisine », considérée comme plus saine et plus légère, les initiateurs créent un nouvel espace de convivialité qui va devenir, sous différentes formes, une véritable institution.

    Voici la recette originelle du « restaurant » proposée par Pierre de Lune au siècle précédent dans Le Cuisinier, infaisable !

   Pour le plaisir du style et de la description… Laissons parler notre imagination…

   « Mettez trois perdrix, deux chapons, un membre de mouton, une rouelle de veau, le tout bien dégraissé, les os des perdrix et des chapons brisés, et ôtez les autres ; mettez le tout dans une bouteille ou flacon de verre ou de terre, sans rien laver ni mettre d'eau ; bouchez d'un linge et d'un morceau de pâte bien dure, et mettez encore pardessus (sic) une peau de mouton. Faites-là bouillir douze heures et faites que le goulot de la bouteille ou cruche ne soit point dans l'eau ; tenez toujours le vaisseau où la bouteille cuira plein d'eau bouillante, sous peine de perdre tout ; ayant cuit douze heures, tirez la bouteille et passez le restaurant promptement par un linge, et le pressez. »

A La Petite ChaiseLe plus vieux restaurant de Paris

Autre source : L'Almanach historique de la gastronomie française (Christian Guy)

   Cette nouvelle profession de restaurateurs fut imaginée en 1765 par un certain Boulanger, dit Champ d’Oiseau. Diderot écrit à Sophie Volland qu’il s’est attablé chez lui (lettre de septembre 1767) : « Certes, l’on y est bien. Mais l’on y est aussi très chèrement traité. »

   Un autre, d’un avis différent, écrit : « Outre que Boulanger vend des bouillons, on trouve aussi à manger solide chez lui. Mais comme il n’est pas traiteur, il ne peut servir de ragoûts. En place, il donne des volailles au gros sel, des œufs frais. Et cela servi sans nappe, sur de petites tables en marbre. »

   D’autres restaurateurs se sont établis à l’imitation de Boulanger. Ils pratiquent eux aussi des prix élevés, comme les y incite à la fois la nouveauté de leur état et la mode qui s’y est attachée.

   On peut lire : « Telle personne qui n’aurait pas osé s’asseoir à une table d’hôte chez un traiteur va sans difficulté payer le même dîner, à prix fort élevé, chez le restaurateur. »

Allons plus loin  

   Un arrêt, signé du Prévost de Paris et publié le 8 juin 1786, autorise les traiteurs et restaurateurs à recevoir des clients dans leurs établissements et d’y donner à manger jusqu’à onze heures du soir en hiver, minuit en été.

   C’est la première fois qu’un document officiel fait mention du mot « restaurateur ».

   Un certain mystère demeure donc concernant l’identité du tout premier restaurateur. L’auteur a cité Boulanger, établi rue Bailleul, qui avait écrit sur son enseigne dès 1765 « Boulanger débite des restaurants divins[1] ». Etait-ce un nommé Chantuisseau (ou Chant-d’Oiseau[2]) déjà établi en 1762 rue des Poulies, près de Saint-Germain l’Auxerrois ? L’auteur avance l’hypothèse qu’il s’agissait d’un seul et même personnage : Champs d’Oiseau étant le surnom du bonimenteur Boulanger, lequel ne répugnait pas à racoler le chaland passant devant sa porte.  


[1] Jusqu’alors, un « restaurant » désignait un bouillon, un potage réparateur susceptible de bien vous restaurer.

[2] Où l’on voit que l’auteur se contredit parfois…

Le restaurateur Antoine Beauvilliers (1754-1816)

  C. Guy donne également ces informations : 

   Beauvilliers signatureBeauvilliers ouvrit en 1786 le restaurant « pouvant être considéré comme le premier vrai restaurant qui ait été ouvert à Paris », écrira plus tard Brillat-Savarin.

   Auparavant, on ne pouvait trouver à se restaurer que dans les auberges servant un menu fixe à heures fixes. Ou bien chez les traiteurs, qui ne pouvaient vendre que des pièces entières et à emporter.

   Puis vint vers 1765, un certain Boulanger qui eut l’idée de de débiter des potages qu’il appelait des « restaurants ».

   Enfin Beauvilliers ouvre le premier restaurant digne de ce nom. Il va faire école.

   Beauvilliers, ancien officier de bouche du comte de Provence publiera en 1814 L’Art du cuisinier, livre de recettes dans lequel se trouve également un « Traité sur les vinaigres et les conserves. »   

   Après avoir ouvert puis dû fermer son premier établissement au Palais-Royal, il en ouvrit un autre 26 rue de Richelieu, à l’enseigne de La Grande Taverne de Londres.

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Date de dernière mise à jour : 18/03/2024