« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Marion Delorme

Marion Delorme, courtisane spirituelle

Marion Delorme   Sur le chapitre de la haute courtisanerie, Marion Delorme - ou de Lorme ou encore de l'Orme - peut en remontrer à Ninon de Lenclos. Elle fut la femme galante la plus célèbre du premier XVIIe siècle, renommée aussi bien pour sa beauté que pour son esprit. Elle tint une véritable cour et collectionna les amants les plus illustres, dont Richelieu. Le cardinal de Retz ne la portait pas dans son cœur et écrivit dans ses Mémoires qu'elle « était un peu moins qu'une prostituée » et qu'elle « sacrifia le cardinal de Richelieu à des Barreaux » (conseiller au Parlement, poète et libertin) ; Retz critique les « galanteries » du cardinal « qui en vérité ne répondaient en rien à la grandeur de ses actions, ni à l'éclat de sa vie. »

   Sa vie romanesque a fourni à Victor Hugo le sujet d'un drame éponyme (voir infra).

   Elle fut célébrée ainsi par l’un de ses amants, le poète Jacques Vallée :

« J’ai toujours eu le goût des bonnes choses,

J’aime à voir le soleil et l’incarnat des roses. »

Marion Delorme, drame de Victor Hugo (1831)

   En 1636, sous le règne de Louis XIII, Marion Delorme a abandonné sa vie de courtisane par amour pour le pur et mélancolique Didier. Il ignore tout du passé de la jeune femme et lorsqu’un de ses anciens amants, Saverny, prétend la reconnaître, il le provoque en duel. Les gardes de Richelieu interrompent le duel : Saverny joue le mort et Didier est emprisonné. Marion réussit à le faire évader et tous deux se mêlent à une troupe de comédiens ambulants. Mais ils sont reconnus par Laffemas, espion de Richelieu, qui refuse sa grâce à Didier. Marion ira jusqu’à se donner à Laffemas pour sauver son amant, vainement. Les deux jeunes gens vont mourir, non sans proclamer une dernière fois leur amour et non sans que Marion ait obtenu de Didier l’assurance de son pardon.  

    Ce drame en vers fut en réalité écrit par Hugo en 1829 et il est presque contemporain de Cromwell. Mais il était tombé sous le coup de la censure de Charles X.  

   On y trouve l’application de la théorie défendue dans la Préface de Cromwell : intrigue serrée, émotion, imbrication d’éléments dramatiques et de passages comiques. Le thème de la courtisane rachetée par l’amour devait connaître un grand succès au 19e siècle. Quant à l’évocation historique, elle donne une image très sombre et partisane de Richelieu, ennemi des frondeurs et bête noire de la génération romantique. Toutefois, les clichés concernant Louis XIII ont la vie dure : en comparaison du cardinal, c'est un bien triste personnage :

« Il [Richelieu] est le flambeau. Le roi c'est la lanterne

Qui le sauve du vent sous sa vitre un peu terne. »

Opinion de Baudelaire sur Hugo

« ... Nous trouvons en lui [Hugo] cette préoccupation des faibles, des proscrits et des maudits. L'idée de justice s'est trahie, de bonne heure, dans ses oeuvres, par le goût de la réhabilitation... » Et Baudelaire cite Marion de Lorme à côte de Ruy Blas. (article sur Les Misérables, paru dans le journal Le Boulevard le 20 avril 1862).  

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