« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Suréna et trois amoureuses

Suréna (Corneille, 1674) : trois femmes amoureuses clôturent son œuvre

   Corneille emprunte à Plutarque son sujet et ses personnages. Eurydice, fille du roi d’Arménie, est aimée de Suréna, général du roi des Parthes. Elle l’aime aussi mais elle doit épouser Pacorus, fils d’Orode roi des Parthes, qui était pourtant promis à Palmis, la sœur de Suréna. En récompense de ses services, Suréna se voit offrir la main de Mandane, fille d’Orode. Mais Suréna refuse, premier affront. Pacorus, découvrant qu’Eurydice lui préfère Suréna (autre affront), fait assassiner Suréna. Eurydice meurt de douleur et Palmis crie vengeance.

   Cette tragédie, où l’amour est le seul vrai moteur de l’action, offre l’image d’un complet renversement des valeurs cornéliennes : ni Suréna, ni Eurydice n’acceptent de soumettre leur cœur aux lois de la raison d’État. Suréna affirme que « ... l’amour, jaloux de son autorité, / Ne reconnaît ni roi, ni souveraineté ». Les deux amants trouveront dans la mort un bonheur impossible ici-bas... Ce refus de compromis, cette passion vécue jusqu’à son ultime conséquence rappelle l’univers de Racine, d’autant que les vers de Corneille tendent le plus souvent vers l’élégie.

   C’est la dernière œuvre de Corneille, passée inaperçue lors de sa première représentation (Racine éclipse déjà Corneille) et jamais réhabilitée par la postérité : de 1680 à nos jours, l’œuvre n’a été représentée que cinq fois à la Comédie-Française. 

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