« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Phèdre en allemand

Phèdre traduit en allemand par Schiller

Schiller   Le théâtre de la cour de Weimar commande en 1804 à Schiller (qui meurt en 1805) la traduction de Phèdre de Racine. Il a écrit de nombreux drames historiques, a traduit Euripide et Shakespeare. Il renonce à reproduire l’alexandrin rimé – ce qu’avaient pourtant enté d’imiter les tragédiens baroques allemands -, au pentamètre du grand théâtre allemand (comme dans le Faust de Goethe), où l’on compte cinq accents forts au lieu du nombre de syllabes et il utilise des vers blancs.  

   Il néglige donc la beauté formelle de la langue de Racine pour en dégager la force expressive. Il choisit une parole directe, renonce aux périphrases françaises : le « monstre de la Crète » redevient Minotaurus, et « sa vaste retraite » est traduite par Labyrinth.

   Par ailleurs, chez lui, Phèdre et Hippolyte se tutoient. Ce « tu » n’implique aucune familiarité, c’est un « tu » de majesté, évoquant un aspect archaïque. Schiller mise tout sur l’accent d’expression, indiquant même par l’italique l’accent sur les pronoms ich (je) et du (tu). La simplicité frappante du discours culmine dans l’effet que Schiller ajoute au cœur de la fameuse tirade de l’aveu : Racine fait déraper Phèdre vers l’aveu de son amour et dévoile son audace à la fin du vers 640 : « Tel qu’on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi. » Schiller introduit un enjambement : « Comme on représente les dieux, et comme je / Te vois ! »

   Cette traduction exacerbe la violence de la passion. Moins attentif que Racine à faire sentir la tension tragique par la contrainte de la langue, Schiller éclaire la fatalité qu’il y a, dans la tragédie, à dire.

Sources : Dorian Astor, in Les plus belles pages de la littérature française (Gallimard, 2007). 

* * *