« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Querelle des Anciens et des Modernes

Boileau défend les Anciens : extrait

Sur ce qu'on avait lu à l'Académie des vers contre Homère et contre Virgile  (1687)

Clio (1) vint l'autre jour, se plaindre au dieu des vers

Qu'en certain lieu de l'univers

On traitait d'auteurs froids, de poètes stériles,

Les Homères et les Virgiles.

"Cela ne saurait être ; on s'est moqué de vous,

Reprit Apollon en courroux :

Où peut-on avoir dit une telle infamie ?

Est-ce chez les Hurons (2), chez les Topinambous (3)

- C'est à Paris. - C'est donc dans l'hôpital des fous ?

- Non, c'est au Louvre, en pleine Académie."

Notes :

  1. Clio est la Muse de l'Histoire.
  2. Les Hurons : peuplade de l'Amérique du Nord.
  3. Les Topinambous : peuplade du Brésil.

Pour les Anciens : Fénelon et la mythologie (extraits)

Télémaque  

   Dans Télémaque (Fénelon), c’est la déesse Minerve qui, sous les traits de Mentor, a guidé Télémaque dans ses voyages à la recherche de son père. Elle se découvre finalement à lui et lui résume tous ses conseils dans une dernière leçon sur les devoirs des rois, qui s’adresse au duc de Bourgogne lui-même.

   Et Fénelon poursuit ainsi : « À peine la déesse eut achevé son discours qu’elle s’éleva dans les airs et s’enveloppa d’un nuage d ‘or et d’azur, où elle disparut. Télémaque soupirant, étonné[1] et hors de lui-même, se prosterna à terre, levant les mains au ciel, puis alla éveiller ses compagnons, se hâta de partir, arriva à Ithaque, et reconnut son père chez le fidèle Eumée[2].

Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre XVIII).

Le jeune Bacchus et le Faune

   Un jour, le jeune Bacchus[3] que Silène[4] instruisait, cherchait les Muses dans un bocage dont le silence n’était troublé que par le bruit des fontaines et par le chant des oiseaux. Le soleil n’en pouvait, avec ses rayons, percer la sombre verdure. L’enfant de Sémélé, pour étudier la langue des dieux, s’assit dans un coin au pied d’un vieux chêne, du tronc duquel plusieurs hommes de l’âge d’or[5] étaient nés. Il avait même autrefois rendu des oracles, et le Temps n’avait osé l’abattre de sa tranchante faux. Auprès de ce chêne sacré et antique se cachait un jeune faune[6], qui prêtait l’oreille aux vers que chantait l’enfant, et qui marquait à Silène par un ris moqueur toutes les fautes que faisait son disciple. Aussitôt les Naïades et les autres Nymphes du bois souriaient aussi. Le critique était jeune, gracieux et folâtre ; sa tête était couronnée de lierre et de pampre ; ses tempes étaient ornées de raisin. De son épaule gauche pendait sur son côté droit en écharpe un feston de lierre, et le jeune Bacchus se plaisait à coir ces feuilles consacrées à sa divinité. Le faune était enveloppé, au-dessous de la ceinture, par la dépouille affreuse et hérissée d’une jeune lionne qu’il avait tuée dans les forêts ; Il tenait dans sa main une houlette courbée et noueuse. Sa queue paraissait derrière comme se jouant sur son dos. Mais comme Bacchus ne pouvait souffrir un rieur malin, toujours prêt à se moquer de ses expressions, si elles n’étaient pures et élégantes, il lui dit d’un ton fier et impatient : « Comment oses-tu te moquer du fils de Jupiter ? » Le faune répondit sans s’émouvoir : « Hé ! comment le fils de Jupiter ose-t-il faire quelque faute ? »

Fénelon, Fables, XXI. 

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[1] Au sens fort, frappé de stupeur.

[2] Le porcher d’Ulysse. 

[3] Dieu de la vigne, fils de Jupiter et de Sémélé, fille de Cadmos, roi de Thèbes.

[4] Père nourricier de Bacchus. On le représentait sous les traits d’un vieillard trapu, chauve et ventru, toujours ivre et monté sur un âne.

[5] L’âge d’or serait le premier âge de l’humanité d’après la mythologie ancienne, les trois suivants étant l’âge d’argent, l’âge de bronze et l’âge de fer.

[6] Les faunes étaient des demi-dieux aux oreilles et aux jambes de bouc, qui habitaient les forêts.

Dans la fameuse Querelle, les femmes prennent parti pour les Modernes

La Querelle des Anciens et des Modernes (Marc Fumaroli)   Lors de la « Querelle des Anciens et des Modernes », les femmes, à la suite du Mercure galant, prirent parti pour les Modernes. Boileau, partisan des Anciens, écrivit contre elles en 1693 la Satire X. Perrault, l’auteur des Contes et partisan des Modernes, riposta la même année, en 1694 par son Apologie des femmes dont voici un extrait :    

 « … Au lieu d’être toujours dans des lieux de plaisir,

À repaître tes yeux, à charmer ton loisir,

À regarder sans cesse aux cours, aux Tuileries,

Du fard et du brocard chargé de pierreries,

Va dans les hôpitaux, où l’on voit de longs rangs

De malades plaintifs, de morts et de mourants.

Là, tu rencontreras en tout temps, à toute heure,

Malgré l’air infecté de leur triste demeure,

Mille femmes d’honneur, dont souvent la beauté,

Que cache et qu’amortit leur humble piété,

A de plus doux appas, pour des âmes bien faites,

Que tout le vain éclat des plus vives coquettes.

Descends dans des caveaux, monte dans des greniers,

Où des pauvres obscurs fourmillent à milliers,

Tu n’y verras pas moins de dames vertueuses

Fréquenter, sans dégoût, ces retraites affreuses,

Et par leur zèle ardent, leurs aumônes, leurs soins,

Soulager tous leurs maux, remplir tous leurs besoins.

Entre dans les réduits des honnêtes familles,

Et vois y travailler les mères et les filles,

Ne songeant qu’à leur tâche et qu’à bien recevoir

Leur père ou leur époux quand il revient le soir.

Charmé de leur conduite, et si simple et si sage,

Tu te verras contraint de changer de langage.

Peux-tu ne savoir pas que la civilité,

Chez les femmes naquit avec l’honnêteté,

Que chez elles se prend la fine politesse,

Le bon air, le bon goût et la délicatesse… »

Texte in extenso ici

   La Querelle reprit au début du 18e siècle à propos d’Homère, avec d’autres acteurs cette fois, notamment Mme Dacier, partisane des Anciens, et La Motte, davantage tourné vers les Modernes. La paix fut faire grâce à l’académicien Valincourt qui offrit sa médiation en réunissant à sa table le 3 avril 1716 les deux champions et quelques convives, dont Mlle Delaunay (la future Mme de Staal-Delaunay, femme de chambre de la duchesse du Maine) qui écrivit dans ses Mémoires : « On but à la santé d’Homère et tout se passa bien. »

   En fait, au cours du 18e siècle, on se pencha beaucoup sur la question, d’une manière plus sereine, car elle se confondait avec l‘idée de progrès. A cet égard, on peut lire le chapitre du Dictionnaire philosophique sur les Anciens de Voltaire ou le dialogue titré Les Anciens et les Modernes ou La Toilette de Madame de Pompadour (1765) 

   L'Odyssée d'Homère était au programme de Terminale L en 2010. La Querelle a-t-elle jamais existé ?...

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Date de dernière mise à jour : 06/04/2020