« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Mme de Sévigné et la poste

Lettres de Mme de Sévigné sur la lenteur de la poste royale

   Mme de Sévigné se plaint de l'acheminement irrégulier du courrier.

   Le 27 mai 1680, elle écrit à sa fille :

   « Ma bonne, je vous écris ce soir, parce que, Dieu merci, je m'en vais demain dès le grand matin, et même je n'attendrai pas vos lettres pour y répondre : je laisse un homme à cheval qui me les apportera à la dînée [dans la soirée], et je laisse ici cette lettre, qui partira ce soir, afin qu'autant que je le puis il n'y ait rien de déréglé dans notre commerce. J'écris comme Arlequin, qui répond devant que d'avoir reçu la lettre. Je serais partie aujourd'hui, sans que j’aie voulu l'avoir le même jour [si elle n'avait voulu avoir la lettre de Mme de Grignan le jour même de son départ]... » 

   Le 14 juillet, c'est la même antienne :

   « J'ai reçu enfin, ma fille, vos deux lettres à la fois ; ne m'accoutumerai-je jamais à ces petites manières de peindre [de faire] de la poste ? et faudra-t-il que je sois toujours gourmandée par mon imagination ? La pensée du moment où je saurai le oui ou le non d'avoir ou de n'avoir pas de vos nouvelles me donne une émotion dont je ne suis point du tout la maîtresse ; ma pauvre machine en est tout ébranlée ; et puis, je me moque de moi. C'était la poste de Bretagne qui s'était fourvoyée pour le paquet de du But uniquement ; car j'avais reçu toutes les lettres dont je ne me soucie point. Voilà un trop grand article : ce même fond me fait craindre mon ombre toutes les fois que votre amitié est cachée sous votre tempérament ; c'est la poste qui n'est pas arrivée : je me trouble, je m'inquiète, et puis j'en ris, voyant bien que j'ai eu tort... »

   Remarque :

   Le développement des postes permet le développement de la correspondance au début du siècle. En 1630, Louis XIII crée la Poste aux Lettres, qui facilite la centralisation du pouvoir mais aussi la libre circulation des idées. Les relais, reliés par des cheveux, sont espacés de sept lieues (d'où les fameuses « bottes de sept lieues » du conte), soit 28 kilomètres. En 1672, Louvois, intendant général des Postes, réorganise complètement le service et crée la Ferme des Postes. En 1675, il relie la Poste française au réseau international géré par la famille Thurn und Taxis, en Allemagne. D'où, bien plus tard, nos taxis...    

Voyages, voyages...

   Avec Mme de Sévigné, nous voyageons. On l'imagine dans son carrosse à six chevaux, accompagnée de son oncle l'abbé, de son secrétaire et de ses femmes de chambre. L'été, on part dès la fin de la nuit pour voyager à la fraîcheur. Elle regarde le paysage en rêvant, ou bien on lui fait la lecture. Une fois, elle descend la Loire en coche d'eau, d'Orléans à Nantes, pour rejoindre les Rochers ; on est en septembre, le fleuve est bas et le coche s'échoue dans la nuit ; en se guidant sur un chien aboyant au loin, on découvre une cabane où deux ou trois vieilles femmes filent la laine. Tout le monde couche sur la paille fraîche sans se déshabiller. Rembarqués au petit jour, "nous ramons tous", précise-t-elle. Faut-il la croire ?...

* * *        

Date de dernière mise à jour : 10/03/2018