« Connaître sert beaucoup pour inventer. » (Mme de Staël)

Louis XV et les femmes

Louis XV (de La Tour)   Nous nous inspirons pour cet article de l'ouvrage de Maurice Lever, Louis XV, libertin malgré lui (Payot, 2001).  

   Né le 15 février 1710 certes, mais Louis XV aurait pu naître le 14 février, jour de la Saint-Valentin, dont il n'a certes pas démérité !

   L'auteur remarque que le jeune roi aime beaucoup aller au lit avec sa femme, la reine Marie Leczinska (1). Le cardinal Fleury l’a élevé dans la haine de la luxure et la terreur du sexe, ce qui ne fait qu’aggraver le refoulement et la peur du péché : le roi a peur que son âme périsse en enfer, véritablement. Ses relations avec la reine, autorisées devant Dieu, le guérissent donc plus ou moins. Voltaire - entre autres - témoigne d’un penchant du jeune homme pour les garçons de son âge, pratique du reste usuelle dans les collèges religieux de l’époque. Louis XV lui est fidèle sept ans, ce qui est beaucoup, mais cesse tout rapport avec elle à partir de 1738. On peut supposer que, lasse de ses nombreuses grossesses, elle lui ferme la porte de sa chambre à coucher sur le prétexte commode de maux de tête.  On lui prête ce mot, sans doute apocryphe : « Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. » Dès lors, il ne la voit qu’un moment à l’heure du souper et les femmes deviennent sa grande passion. 

   Marice Lever  soulève l'hypothèse que le roi, marqué par l’absence de mère, est à la recherche de l’image maternelle, aussi bien chez son épouse que chez ses maîtresses officielles. Le duc de Luynes remarque chez le roi des « moments de tristesse » et l’érotisme ne joue plus le rôle d’oubli contre la morosité native du roi. Selon le duc, il traite moins bien les femmes que les domestiques de sa maison, les dîneurs des cabinets et les officiers de marine, n’en respecte aucune, n’ayant d’égards qu’envers ses maîtresses officielles, institutionnelles : les sœurs Mailly, Pompadour et du Barry : « Le Roi aime les femmes, et cependant n’a nulle galanterie dans l’esprit », précise Luynes.  Dufort de Cheverny, l’introducteur des ambassadeurs, vient toujours seul à la cour, gardant sa femme à l’abri. À propos du caractère du roi, Luynes écrit encore : « Il est plus difficile à dépeindre qu'on se l'imagine ; c'est un caractère caché, non seulement impénétrable dans son secret, mais encore très souvent dans les mouvements qui se passent dans son âme. »

   Le Bel, son valet de chambre - plus tard complice avec la Pompadour - lui procure des conquêtes faciles. Maurice Lever précise que le roi n’est pas un vrai libertin, le libertinage exigeant une certaine énergie : « Il attend que les cailles lui tombent toutes rôties. Trop indolent pour ériger le vice en système ou la frivolité en règle de vie, il ne s’approche des femmes que pour en jouir. Il n’aime pas les citadelles inaccessibles dont les libertins font grand cas. Il ne cherche ni à leur plaire, ni à les aimer, ni à leur prouver sa virtuosité. » Pour le libertinage, il faut chercher du côté de Crébillon et Dorat et, bien entendu de Laclos et le Valmont des Liaisons dangereuses

   D’Argenson - cité par Maurice Lever - écrit : « Ainsi, voilà notre prince blasé et se recherchant tant qu’il peut par des nouveautés où le cœur n’a aucune part. Il se fait acheter des esclaves inconnues sans les avoir désirées par la vue avant de les avoir réunies dans son sérail. Certes, la marquise de Pompadour paraît bien complice dans tout ceci ; car le sieur Le Bel n’oserait sans sa permission vaquer ainsi ouvertement à ce genre de négociations. Cette maîtresse comédienne se regarde comme surintendante des plaisirs du monarque et prétend que l’État lui a grande obligation en pourvoyant ainsi à des nouveautés dans chaque genre pour recueillir son goût bilieux, noir, mélancolique et paresseux. »

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Notes : 

 (1) De nombreux historiens simplifient ainsi le nom de Marie Leszczynska, princesse polonaise.

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